René Mayer dans la Série Viva Viva
**René Mayer dans la série Viva Viva** se distingue par son approche très personnelle. Le Docteur Paolo Giovanni Bonfiglio – curateur de plusieurs expositions de René Mayer – partage ses réflexions dans un mini-essai écrit pour l’exposition de 16 oeuvres Viva Viva à l’AtelierRoshi a Baar, en Suisse:
Viva Viva par René Mayer
L’impulsion superficielle reconnue par l’artiste comme étant redevable de l’influence reçue d’une œuvre d’art donnée agit comme une sorte de voile de Maya ou de rideau théâtral entre sa propre production et le regard de ceux qui l’ont réalisée, provoquant une espèce de court-circuit sensoriel qui dissimule des références plus profondes et plus enracinées dans l’intériorité, la mémoire et l’existence elle-même.
Il en ressort que l’intérêt du stimulus esthétique concerne aussi bien les aspects structurels que les processus d’élaboration qu’il suscite, comme l’écrit Arnheim, « correspondance heureuse entre les caractéristiques de l’expérience perceptive et les propriétés structurelles du contenu ou du message à transmettre » et « correspondance isomorphique entre ce qui est dit et la façon dont c’est dit ».
L’influence des statuettes mexicaines sur la série Viva Viva
René Mayer, artiste passionné et voyageur tout aussi passionné, en quête permanente de stimuli et de visions, fait d’une exposition de statuettes mexicaines anciennes le point de départ de la création des terres cuites colorées de la série intitulée Viva Viva, fournissant l’input initial d’un parcours d’investigation à la recherche de ce que peuvent être les sédimentations esthétiques, culturelles et formelles qui se sont stratifiées à l’intérieur de ces œuvres.
Face à elles, la première impression est de voir une série de visages qui, paradoxalement, ne nous regardent pas, avec des yeux percés, évidés ou artificiellement saillants, comme s’ils avaient été ajoutés en guise de décoration plutôt que pour leur fonctionnalité.
L’influence du carnaval de Bâle sur René Mayer
C’est ici que naît la première relation idéale avec les masques du carnaval de Bâle, la ville natale de Mayer où il a fait ses études d’art, lorsque lentement, dans la vieille ville, commencent à se mouvoir des animaux, des esprits de la technologie, des créatures débarquant d’univers parallèles, des personnages de la Commedia dell’arte qui, comme dans un tableau de Bosch, défilent dans les rues en les illuminant poétiquement avec des lanternes placées sur la tête des participants ou hissées sur de longues perches.
Les cortèges de personnages que l’on retrouve également dans les versions plus complexes de ces terres cuites semblent se mouvoir dans une procession joyeuse et libératrice, dépourvue d’inhibitions et d’intellectualisme excessif.
Une constante dans l’art de René Mayer est le mouvement
Et c’est le mouvement qui est une caractéristique constante de l’œuvre de Mayer, tant en peinture qu’en sculpture, depuis le baroque jusqu’à l’art contemporain, fortement redevable aux photographies d’Eadweard Muybridge, dans une série de suggestions qui se concrétisent ici dans une sinuosité sensuelle de formes faites de croisements continus entre figures et éléments toujours sur le point de se replier sur eux-mêmes ou de s’éloigner dans une lente torsion et toujours à la poursuite d’une simplicité fortement affirmée, rappelant le chef-d’œuvre La Danse d’Henri Matisse, qui écrivait : « Le premier élément de la construction était le rythme, le second une vaste surface bleu foncé, le troisième un vert foncé. À partir de ces éléments, les personnages ne pouvaient être que rouges, pour obtenir un accord lumineux ».
L’importance des couleurs vives dans l’œuvre de René Mayer
Et c’est précisément la couleur vive de ces terres cuites qui leur donne un autre élément de caractérisation fort, éliminant toute incertitude ou hésitation possible pour déclarer explicitement leur dimension vitale, joyeuse, presque ludique, mais toujours attentive au contraste, dans une récupération supplémentaire d’une expressivité directe ouverte aux références fondamentales de la théorie de la couleur.
Selon le psychologue suisse Max Lüscher, il est possible d’analyser scientifiquement l’état psychophysique d’une personne sur la base de sa préférence pour la couleur. La base théorique sur laquelle il s’appuie est la psychologie de l’autorégulation, selon laquelle tout être humain tend vers la réalisation de l’harmonie, qui résulte de l’interaction dynamique équilibrée de quatre structures émotionnelles de base. Chaque couleur a une signification universelle et objective, c’est-à-dire que la perception des couleurs est exactement la même pour tout le monde et dans toutes les cultures. Ce qui varie dans la perception des couleurs, c’est l’évaluation donnée par l’individu à la perception elle-même, son acceptation ou son rejet de la couleur, qui se traduit, selon l’évaluation donnée par le sujet, par de l’appréciation, de l’indifférence ou de l’aversion.
Si l’on juxtapose l’aspect purement chromatique à l’aspect formel, en rappelant que René Mayer a un passé professionnel important dans le domaine du design, qui se traduit par la recherche de surfaces et de volumes nets, modelés et enveloppants, on constate que ses figures ne perdent leur rondeur que dans les points qui traversent les espaces vides à l’intérieur des figures elles-mêmes.
L’acte de « traverser » dans la série Viva Viva de René Mayer
Également inspiré par la rondeur du bois flotté, les sculptures de la série Viva Viva sont – en grande partie – lisses, rondes, sans aspérités. Il y a pourtant, dans plusieurs d’elles, une « pointe » ou « triangle » qui traverse une ouverture faisant partie de la même sculpture ou d’un « compagnon » en face. On pourrait associer cet élément à une main, à une langue pointue.
D’où le contraste fondamental qui atteste l’aspect vitaliste de ces œuvres, à savoir que l’existence s’accompagne souvent de blessures causées par d’autres ou par nous-mêmes qui nous font apprécier davantage le moment joyeux au cours duquel nous pouvons saisir l’harmonie et la consonance.
Ceux qui ont la chance de rencontrer cet artiste ne peuvent que saisir immédiatement la même propension à la vie, la recherche constante de l’amélioration de soi et du monde qui l’entoure, dans une dimension d’enthousiasme et d’énergie, alliée à un amour profond pour l’art dans toutes ses déclinaisons, qui conduit à un sentiment constant d’ouverture vers la nouveauté, sans se mettre de barrières d’aucune sorte ni se poser trop de questions.
C’est là que réside la véritable force de René Mayer, profondément transférée dans ses œuvres, un homme et un artiste toujours à la recherche de raisons de s’aventurer dans de nouvelles techniques, manières et solutions pour réaliser sa créativité aux multiples facettes.
Que dire de plus : Viva Viva !
Dr Paolo G. Bonfiglio