Tout a commencé dans les années 1960, lorsque René Mayer s’est inscrit au cours préparatoire de l’École des arts appliqués de Bâle (aujourd’hui École de design). Le cours préparatoire est un cours propédeutiques s’adressant aux élèves issus des degrés secondaire I et II qui souhaitent se former
dans les domaines de l’art et du design. Il dispense aux futur-e-s étudiant-e-s les connaissances requises pour aborder avec succès les classes professionnelles des écoles d’arts et métiers.
L’enseignement de l’École des arts appliqués fut un véritable détonateur pour la créativité de René Mayer. C’est dans les cours et les travaux pratiques de l’école qu’il découvrit tout ce qui allait bientôt marquer son art, à commencer par la théorie des couleurs du peintre et enseignant suisse
Johannes Itten (1888-1967), dont le cercle chromatique est célèbre dans le monde entier. Les théories des couleurs décrivent d’une part l’effet psychologique des couleurs sur l’être humain et expliquent d’autre part comment maîtriser les couleurs dans la création artistique et graphique. Il en existe de nombreuses versions, dues à des auteurs aussi différents qu’Isaac Newton, Wolfgang von Goethe, Wassily Kandinsky ou Robert Delaunay. Mais c’est la théorie de Johannes Itten qui a le plus impressionné René Mayer. L’objectif d’Itten, qui fut « maître » (c’était le titre donné aux enseignants) au Bauhaus de Weimar de 1919 à 1923, était de libérer la créativité et de développer
les compétences artisanales des étudiantes et étudiants. René Mayer, pour qui art et artisanat vont de pair, souligne encore aujourd’hui l’importance que cet enseignement a eu sur son
développement artistique. Johannes Itten termina sa carrière à la direction de l’École des arts
appliqués, du Musée des arts appliqués et de l’École professionnelle textile de Zurich.
Au fil du cours préparatoire, René Mayer a remarqué que seuls quatre ou cinq de ses camarades s’investissaient à fond. Rapidement identifié par les enseignants, ce petit groupe a été fortement
encouragé par eux. L’aide des professeurs s’explique primo par le fait qu’ils étaient eux-mêmes artistes et secundo par la volonté de l’école de stimuler la créativité sous toutes ses formes, afin de
de conserver la réputation de pionnière qu’elle avait acquise de haute lutte. Ces enseignants avaient suivi l’exemple et l’injonction de Joseph Beuys (1921-1986) qui incitait ses pairs à se lancer
dans l’enseignement. Beuys, artiste conceptuel allemand, membre du mouvement Fluxus et
professeur à l'académie des beaux-arts de Düsseldorf, initiait dans les années 1960 une révolution
de la pédagogie de l’art. D’une part, il accueillait dans ses cours toutes les personnes souhaitant se
consacrer à l’art, même si elles ne pouvaient se prévaloir des qualifications officiellement requises,
d’autre part il incitait les artistes à s’engager personnellement dans l’enseignement de l’art,
conformément à sa formule devenue fameuse: « Lehrer zu sein ist mein grösstes Kunstwerk »
(« Être enseignant est ma plus grande œuvre artistique »).
Le sculpteur autrichien Alfred Gruber (1931-1972) fait partie de ces enseignants inspirés par Beuys. Il avait émigré en 1955 en Suisse et s’était établi à Dittingen, dans le canton de Bâle-
Campagne avec son épouse – également artiste – Jacqueline Gruber née Stieger. Alfred Gruber enseigne à l’École d’arts appliqués (aujourd’hui École de design) de Bâle à partir de 1963. Lorsque
le couple Gruber quitte Dittingen pour la Grande-Bretagne, en 1972, il remet maison et atelier à un
autre artiste immigré: le tchèque Čeněk Pražák.
Alfred Gruber collabore avec le sculpteur suisse Albert Schilling (1904-1987) et avec Hans Arp, dit
Jean Arp (1886-1966), mondialement célèbre pour ses sculptures aux formes organiques. Avec son
épouse Sophie Taeuber-Arp (1889-1943), Jean Arp participa aux mouvement dada puis surréaliste.
Le Musée moderne et d’art contemporain de Strasbourg possède de nombreuses œuvres de lui.
Enseignant aussi motivé qu’atypique, Alfred Gruber accueillait souvent pendant le week-end des disciples dans l’atelier qu’il avait construit avec leur aide au cœur de la carrière abandonnée de Schachental. Un atelier où l’on discutait avec passion, expérimentait avec frénésie… et faisait joyeusement la fête !